I – Question : Que faut-il savoir sur la souveraineté énergétique d’un pays ?
Mahaman Laouan Gaya : Vous permettrez d’abord de nuancer les notions de ‘’souveraineté énergétique‘’, de l’‘’indépendance énergétique‘’ et de l’‘’autonomie énergétique‘’. Généralement, l’on considère la souveraineté énergétique comme un concept juridique, l’indépendance énergétique, un concept politique et l’autonomie énergétique, un concept stratégique. Cependant et à juste raison, nous avons tous tendance à identifier ces notions.
* L’indépendance énergétique pour un État est définie comme le fait de ne dépendre de quiconque de point de vue des approvisionnements en énergie ; autrement dit, c’est la capacité d’un pays à satisfaire de manière ‘’autonome‘’ ses besoins énergétiques. En réalité, aucune économie moderne n’évolue dans une situation de totale autarcie ; dit autrement, l’indépendance énergétique n’existe pas de façon absolue. Aussi, l’on définit le taux d’indépendance énergétique comme ‘’le rapport entre la production nationale d’énergies primaires (charbon, pétrole, gaz naturel, nucléaire, hydraulique, énergies renouvelables) et la consommation en énergie primaire, une année donnée‘’. Un taux de 100% signifie alors que l’ensemble de l’énergie consommée est satisfait par la production nationale (ce qui n’existe pas) ; un taux inférieur à 100% (jusqu’à 0%) signifie que le pays est relativement dépendant énergétiquement des importations en provenance d’autres pays. * L’autonomie énergétique est quant à elle est, la capacité d’un Etat ou même des citoyens à produire leur propre énergie, subvenir à leurs besoins (autoconsommation) et mieux avoir la possibilité de revendre le surplus (sur le réseau international ou urbain pour le cas de l’électricité).
* La souveraineté énergétique pour sa part, est la capacité pour un pays de satisfaire ses besoins en énergie de façon autonome (on retombe sur la notion d’autonomie énergétique). En général, on fait référence aux énergies modernes à savoir l’électricité et les produits pétroliers énergétiques, dont l’essence, le gas-oil et gaz de pétrole liquéfié (GPL), communément appelé gaz domestique. En termes de droit international, la souveraineté énergétique désigne aussi la capacité d’un pays à régler ses propres problèmes du secteur énergétique sans avoir à recevoir des instructions (de certaines institutions financières internationales) ou à rendre compte à qui que ce soit (à une quelconque puissance occidentale).Il s’agit donc pour un État de déterminer d’abord ses besoins en ces énergies modernes dans tous les domaines : industrie, transport, habitat, secteur tertiaire, etc… et de s’assurer de leur approvisionnement adéquat. Il faut alors disposer sur le territoire national des infrastructures de production, de stockage de sécurité et d’approvisionnement suffisantes pour répondre à des demandes présente et future et parer à toute éventualité. Derrière cette idée de souveraineté énergétique, l’on peut comprendre toutes les dispositions qu’un Etat doit prendre pour assurer son approvisionnement et sa sécurité énergétiques. Il est arrivé que dans certaines situations (conflits, catastrophes naturelles, sabotages, sanctions économiques,…) des approvisionnements énergétiques (électricité, produits pétroliers) d’un pays soient compromis, et cela pose d’énormes préjudices économiques, sociaux et sécuritaires à ce pays. C’est évidemment plus rassurant de ne dépendre que de soi-même pour ses approvisionnements énergétiques minimum. Les trois concepts susmentionnés très liés, sont cardinaux pour penser au niveau d’un pays, un système et une politique énergétiques et assurer leur bonne gouvernance.
II – Question : Comment appréciez-vous la situation des pays africains dans le contexte de souveraineté sur leurs ressources énergétiques ?
Mahaman Laouan Gaya : Comme le savez bien, les pays africains ont été pour certains et le sont toujours pour d’autres, l’objet depuis des siècles, de pillage systématique, sans pitié et en toute impunité de leurs ressources extractives (minières et énergétiques). Aussi, avec l’absence de dirigeants politiques soucieux de l’intérêt national, l’usage abusif des clauses de stabilisation dans les contrats miniers et pétroliers, les prix de transfert et autres méthodes d’évasions fiscales,… les pays occidentaux et leurs multinationales minières et pétrolières ont à cœur joie, usé et abusé de leur puissance pour mettre la main sur les ressources énergétiques extractives du continent. Somme toute, il est clair que le pillage des ressources naturelles de l’Afrique est une responsabilité largement partagée entre les puissances occidentales, le capital financier international, les institutions financières internationales, les dirigeants politiques africains corrompus et inféodés au système politico-financier occidental,…. Dès lors, se battre contre ce système semble une gageure. Cependant, l’arrivée ces dernières années sur le terrain africain des puissances dites émergentes (Chine, Russie, Inde, Turquie,…) plus agressives économiquement et diplomatiquement, et les revendications de plus en plus pressantes des populations africaines pour plus de souveraineté et d’indépendance ont surpris les dirigeants occidentaux. Cette nouvelle donne a donc amené ces derniers à créer une situation inédite dans certaines zones du continent : le financement des mouvements dits djihadistes, l’installation des bases militaires étrangères,… (cas des Etats du Sahel). Certains pays sont aujourd’hui dans l’œil du cyclone avec d’une part les populations locales, la jeunesse en tête qui est déterminée à prendre en main leur destin et d’autre part ces puissances européennes déterminées à y rester afin de préserver les besoins en ressources extractives de plus en plus pressants. La situation quasi insurrectionnelle et irréversible qui sévit dans certains pays africains (notamment les pays du Sahel central), avec l’avènement au pouvoir des militaires patriotes et souverainistes, prend la tendance vers un recouvrement de souveraineté nationale, tant sur les plans politique, économique, monétaire et aussi une lutte pour le contrôle et la préservation des ressources extractives et énergétiques.
III – Question : Comment un pays comme le nôtre peut-il atteindre sa souveraineté énergétique ?
Mahaman Laouan Gaya : Il existe bien sûr plusieurs leviers permettant d’atteindre une relative autonomie en énergie. Cependant il faut noter qu’aucun pays au monde ne peut atteindre intégralement son autonomie, son indépendance ou sa souveraineté énergétiques. Pour le devenir (relativement), il faut absolument une politique de diversification énergétique ; ne surtout pas dépendre d’une seule source d’approvisionnement en produits pétroliers, en gaz et/ou en électricité, ce qui exige l’élargissement du mix énergétique. Le mix énergétique (appelé aussi ‘’bouquet énergétique‘’) désigne la répartition des différentes sources d’énergies consommées dans une zone géographie donnée (région, pays…). Il englobe ainsi l’ensemble des sources d’énergies (énergies fossiles et énergies renouvelables) utilisées pour satisfaire les besoins en électricité, au chauffage, aux carburants,… La diversification des sources d’approvisionnements énergétiques est très indispensable, au cas où le pays ne dispose pas d’une gamme variée et abondante en ressources énergétiques. Cette diversification des sources d’approvisionnement doit s’inscrire dans une politique, une stratégie et une planification énergétiques. Depuis quelques années, le monde de l’énergie a changé et les enjeux à relever sont aujourd’hui la sécurité d’approvisionnement en énergie, la lutte contre le changement climatique et l’accès à l’énergie moderne à un coût abordable pour toutes les couches sociales. De nombreuses réflexions sont en cours et la communauté internationale s’active pour permettre à tous les pays du monde d’opter pour un développement durable avec à la clé une politique énergétique durable. Toute politique énergétique nationale et particulièrement en Afrique doit s’inscrire dans le sens des grandes orientations pétrolières et énergétiques mondiales énoncées par les Nations Unies (Initiative SE4All…), l’Union Africaine (Vision Minière de l’Afrique), le NEPAD, la Banque Africaine de Développement (avec le ‘’New Deal for Energy in Africa’’), le Conseil Mondial de l’Energie (avec la Résolution du Trilemme Energétique Mondial), etc… Le Conseil Mondial de l’Energie et les Nations Unies étaient il y a quelques années à la pointe de ce combat avec la politique de résolution du ‘’Trilemme Energétique Mondial‘’ et l’Initiative Energie Durable Pour Tous (Initiative SE4All – Sustanaible Energy For All). Le Niger au même titre que beaucoup d’autres pays africains s’était passionnément engagé dans ces dynamiques, mais depuis quelques temps, cet engouement s’est estompé et la mise en œuvre de cette initiative (SE4All) semble s’essouffler tant au niveau du secrétariat de la plateforme africaine qui est hébergé à la Banque Africaine de Développement, au niveau du PNUD, que dans les pays africains qui s’y étaient engagés depuis 2011. Il faut noter que le programme d’actions de cette initiative couvre l’ensemble du secteur de l’énergie (les hydrocarbures compris), et est doté d’une feuille de route allant jusqu’en 2030, pour répondre à trois (3) objectifs liés, qui sont l’accès universel aux énergies modernes, le doublement du taux global de l’efficacité énergétique et le doublement de la part des énergies renouvelables afin de la porter à 30% dans le mix énergétique de chaque pays. Cette politique doit nous inspirer dans l’exploitation, la transformation sur place et la consommation de nos ressources énergétiques naturelles (hydrocarbures, uranium, métaux stratégiques,…). Autant pour la mise en œuvre de la politique énergétique nationale que pour la stratégie d’une souveraineté énergétique nationale et sous-régionale (j’entends ici l’Alliance des Etats du Sahel), nos pays ont besoin d’un ‘’bon‘’ coup de fouet !
VI – Question : Quelles doivent être désormais selon vous les priorités dans le contexte de la recherche de la souveraineté et l’autosuffisance énergétiques de nos pays ?
V – Question : Peut-on comprendre que l’essor des pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) dépende de leur problématique énergétique ?
Mahaman Laouan Gaya : Absolument ! …la sécurité énergétique permet d’établir les conditions de la croissance économique et de la paix sociale, car elle est nécessaire au fonctionnement des économies de tous pays. Comme je le disais tantôt les ressources énergétiques apparaissent comme un enjeu stratégique majeur de développement. La particularité des pays de l’AES est qu’ils possèdent (plus que les autres pays de l’Afrique de l’Ouest) un sous-sol exceptionnellement riche en ressources extractives (diverses ressources minières, des hydrocarbures, de l’hydrogène naturel, d’abondantes réserves en eaux du sous-sol – notons que l’eau sera l’objet des guerres du 22ème siècle ; et le Sahel central dispose d’une des plus grandes réserves en eau souterraine de la planète,…) de très loin sous-exploitées. La virginité géologique de cette zone de l’AES est un atout, mais aussi une force indispensable qui va certainement compter dans l’avenir. Le contrôle de ces abondantes ressources extractives énergétiques fut l’une des raisons du maintien d’un dispositif de domination politique, économique, monétaire et militaire de la France et accessoirement des autres puissances impérialistes sur nos pays.La recherche de notre souveraineté nationale en générale et notre souveraineté énergétique en particulier est aujourd’hui une préoccupation des plus hautes autorités de notre pays et de nos concitoyens. L’abondance des ressources énergétiques ne fait aucun doute, et si elles avaient été auparavant judicieusement utilisées, le Mali et le Niger par exemple n’auraient pas connu les affres des délestages électriques que nous n’arrivons toujours pas à juguler. Nous avons toujours en mémoire l’impitoyable coupure de la fourniture en électricité par le Nigeria qui a plongé le Niger dans l’obscurité durant sept (7) mois, occasionnant des centaines de morts dans les hôpitaux et maternités, des denrées alimentaires et autres produits pharmaceutiques se détériorer. Les nigériens n’oublierons jamais que le très adolescent président français et ses octo- et septagénaire vassaux et laquais de la Côte d’Ivoire, du Nigéria et du Bénin, (congénitalement minables et porteurs de gènes de négrier) ont été les plus zélés de la ligne de front pour étouffer économiquement, financièrement et énergétiquement le Niger, l’affaiblir et en découdre militairement pour le grand plaisir de leur maître blanc. Le pillage durant plus d’un demi-siècle de nos ressources uranifères, la coupure de l’électricité par le Nigeria, le récent blocage des exportations de notre pétrole brut par le Bénin sont des situations qui mettent en lumière les défis auxquels le Niger est confronté au gré des orientations politiques des pays voisins et autres ‘’partenaires‘’ et révèle au grand jour la faiblesse de notre politique et stratégie énergétiques (manque d’anticipations) et l’impérieuse nécessité de les corriger.
VI – Question : Beaucoup de pays producteurs de pétrole semblent embourbés dans ce que la presse internationale appelle ‘’la malédiction de l’or noir‘’. Pensez-vous que le Niger puisse s’en sortir et même se développer avec ses ressources pétrolières ?
Mahaman Laouan Gaya : Ces dernières décennies, l’Afrique et le Niger avec, a été au cœur de toutes sortes de débats, tant sur la misère dans laquelle végète leurs populations que sur leurs immenses potentialités et inégalables richesses naturelles qui pouvaient rapporter des milliards de dollars de recettes annuelles. De façon générale, il est reconnu de tous que l’Afrique regorge d’abondantes ressources énergétiques fossiles (pétrole, gaz, charbon, uranium,…) et celles d’origines renouvelables (hydraulique, solaire, éolienne, biomasse,…) et de façon spécifique le Niger ne déroge pas à cette règle. Par ailleurs, notre pays est aujourd’hui peuplé de près 26 millions d’habitants constitué à près de 60% de jeunes (bras valides), pendant que d’autres pays sont de plus en plus ‘’vieillissants’’. Si avec toutes ces richesses, un pays quel qu’il soit, n’arrive pas à décoller, je ne suis pas sûr que les ressources pétrolières en soient les seules responsables ou qu’elles puissent dans la situation socio-économique actuelle relever les défis du sous-développement. Si la perspective de revenus gigantesques issus de nos ressources naturelles peut sembler enivrante, elle pose aussi l’enjeu de la gouvernance dans ce secteur, un élément crucial du fait que presque tous les pays africains, même dotés d’abondantes ressources extractives et énergétiques, n’ont pas encore emprunté, loin s’en faut, le chemin du développement. Sans trop nous lamenter sur notre sort, il faut dire que l’Afrique et le Niger avec, ont toujours été victimes d’un modèle économique dit ‘’d’esclavage colonial‘’ qui nous a maintenu depuis près d’un siècle dans un système économique mortifèreréduisant nos pays à l’exportation de leurs matières premières (extractives, agricoles, animales,…) vers la métropole et nous vendre en retour les produits finis qui en sont issus. Ce même système politico-économique a ‘’fabriqué‘’ des dirigeants prédateurs qui ont fait preuve d’un déficit criard de démocratie, d’un leadership obscur, d’une gouvernance foncièrement médiocre, et d’une gloutonnerie manifeste sur les ressources pétrolières. Alors que le Niger cheminait vers l’exportation de son pétrole brut, on observait que la gouvernance démocratique recule, l’opacité dans la gestion de la manne pétrolière était manifeste, et se généralise le phénomène de corruption et d’impunité et une dangereuse tendance à la monarchisation de la République. Depuis le lancement de l’exploitation du pétrole du Niger en Novembre 2011, aucun bilan, ni aucune synthèse n’ont été établis, ni au plan qualitatif ou prospectif, ni au plan financier de l’exploitation et du raffinage de notre pétrole. Les nigériens n’ont jamais pris connaissance véritablement des retombées des milliards de FCFA d’investissements, de la part des recettes pétrolières totales sur le budget national, des prêts gagés sur notre pétrole. Les activités de sous-traitance, d’approvisionnement en biens et services des sociétés pétrolières, le recrutement du personnel nigérien, etc… tant sur le site pétrolier d’Agadem, de la raffinerie de Zinder (SORAZ), que de la société de construction et de gestion du pipeline export (WAPCO) ont été fait dans la parfaite opacité. Dans le Niger d’hier, seuls les ‘’ayants-droits‘’, leurs familles et leurs courtisans pouvaient se prévaloir des retombées de la rente pétrolière ; le pays et ses laborieuses populations étant systématiquement exclus. L’attitude irresponsable de cette caste dans la gestion de nos ressources pétrolières en a pris un sérieux coup. Par la grâce d’Allah swa, en réponse aux multiples prières de nos populations durement meurtries, cette périlleuse aventure a finalement été stoppée par une bourrasque inattendue un 26 Juillet 2023. Aujourd’hui, avec l’orientation au plus haut niveau donnée à la gouvernance de nos ressources extractives (pétrole, uranium, or,….), la rupture des liens organiques néo-coloniaux avec la France, la relecture de notre coopération sous-régionale (retrait de la très néo-coloniale CEDEAO infestée de ‘’tueurs à gages‘’ au service de la DGSE française, la dynamisation de l’AES, etc… ), je suis en droit d’être confiant et optimiste quant à l’utilisation future qui en sera faite de la rente de nos ressources extractives pour impulser le développement économique et social de notre pays. Ainsi, pour affirmer sa souveraineté sur les ressources pétrolières nationales, le gouvernement a décidé de signer avec la société nationale de pétrole (Sonidep) des Contrats de Partage de Production sur deux blocs pétroliers (Bilma et les Rendus R5, R6, et R7 d’Agadem), de lancer le projet de construction d’une raffinerie de pétrole et d’un complexe pétrochimique à Dosso et d’entamer des discussions pour la relance du projet de pipeline export Niger-Tchad-Cameroun. La Sonidep sera désormais le bras armé pour la mise en œuvre de la politique pétrolière du Niger au même titre que le sont la Sonatrach en Algérie, la NNPC au Nigéria, la Sonangol en Angola ou encore l’Aramco en Arabie Saoudite. Le complexe pétrolier de Dosso permettra de transformer sur place une part importante de la production pétrolière (maintenir ainsi toute la valeur ajoutée liée à la transformation du pétrole brut dans l’économie nationale) et l’idée de construction d’un nouveau pipeline permettra la diversification des voies d’exportations futures de notre pétrole brut vers le marché international. Les autorités du CNSP veillent pour une gestion rigoureuse de la rente pétrolière, à la sécurisation de nos approvisionnements en hydrocarbures et l’utilisation judicieuse de la manne pétrolière pour une économie nationale diversifiée.
VII – Question : A propos de l’uranium, quelles leçons pourrons-nous tirer de plus de cinquante (50) années d’exploitation de cette ressource stratégique, au moment où certains pays africains s’engagent dans le nucléaire civil pour la résolution de leur déficit énergétique ?
Mahaman Laouan Gaya : Dès la proclamation de son indépendance, la France s’est empressée de signer avec le Niger une série d’accords (contraignants) pour s’assurer un accès privilégié à l’uranium, considéré comme une matière première stratégique. Depuis lors, notre pays a été soumis à un pillage systématique de ses ressources uranifères. Selon Euratom, « le Niger était le 2ème fournisseur d’uranium naturel de l’Union Européenne, avec une part de 25,38% » contribuant à la fabrication du combustible destiné aux quelques 103 réacteurs nucléaires en activité dans 13 pays membres de l’Union, dont la moitié (56 réacteurs) sont en France. Si le Niger a largement contribué au développement de la puissance nucléaire de la France, cela n’a pas été réciproque. En France, une ampoule sur trois (1/3) est éclairée grâce à l’uranium nigérien, tandis que près de 90% de la population nigérienne n’a pas accès à l’électricité et les recettes de cet uranium ne contribue seulement qu’à hauteur de 4% à 6% du budget de l’Etat du Niger. Selon Médiapart, de 1969 à 2021, le Niger a produit en moyenne 3750 tonnes d’uranate par an au prix moyen de 27.300 FCFA le kg (soit 41,5 euros) ; nettement en dessous du cours mondial moyen qui était autour de 122.000 FCFA le kg (186 euros) sur la période. Comment se fait-il que presque tous les gouvernements successifs du Niger se soient tus devant cette arnaque ? Ont-ils cédé devant des menaces françaises de rétorsion, ou bien sont-ils complices d’une honteuse spoliation de leur propre peuple ? Les deux vraisemblablement : en atteste par exemple les différents scandales qui ont émaillés la catastrophique gestion du régime de la 7ème République (uraniumgate, et les très inévitables révélations à venir,…). Aujourd’hui, force est de reconnaître qu’après presque un (1) an d’interruption de l’exportation de notre uranate (depuis les événements du 26 juillet 2023), aucun impact négatif n’a été relevé sur l’économie nationale. Avec ou sans la vente de l’uranium, le Niger vit et vivra ! Le coup d’Etat du 26 Juillet 2023 a suscité un vent de panique en France et relancé le débat sur l’indépendance et la souveraineté énergétiques tant du Niger, que de la France. En effet, l’Elysée est très inquiète sur les conséquences dévastatrices d’une inévitable totale indépendance du Niger. Au-delà donc de cette vaste demi-séculaire escroquerie d’Etat (de la France), c’est la sécurité d’approvisionnement énergétique de notre pays et de l’espace AES qui doit nous interpeller. En effet, nombreux sont les Etats du continent qui misent désormais sur le nucléaire civil pour asseoir leur souveraineté et leur autosuffisance énergétiques. Principal producteur mondial d’uranium, le Niger est paradoxalement l’un des pays les moins éclairés du continent africain et du monde. Après plus d’un demi-siècle de banalisation et de sous-estimation des capacités technique et managériale de nos cadres et techniciens (la France n’a d’ailleurs jamais daigné former un seul nigérien dans la technologie du nucléaire), ce sont pourtant les nigériens qui sont restés aux commandes, après la honteuse débandade du personnel français des sites de la Somair et de la Cominak, suite à la toute première attaque terroriste. Le Niger doit affirmer maintenant et tout de suite sa souveraineté sur toute la chaîne de valeur de l’industrie nucléaire. Pendant 55 ans (de 1969 à ce jour), nous avons produit au Niger du ‘’yellow cake‘’ (concentré d’uranium qui représente une étape intermédiaire dans le procédé d’obtention de combustible nucléaire) ; il est à présent temps pour nous de le ‘’consommer‘’. Des initiatives récemment prises par les plus hautes autorités sont à saluer ; c’est le cas du retrait de certains permis miniers exploitation d’uranium pour non-respect des délais contractuels. Nous n’avons plus besoin de partenariat inéquitable et insincère dans le cadre de l’exploitation et la valorisation de nos ressources uranifères et le Niger ne peut plus continuer à souffrir les caprices de certaines sociétés minières étrangères. Déjà dans le cadre de son programme électro-nucléaire, avec l’accompagnement de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), le Niger est en Afrique l’un des pays les plus avancé et a d’ailleurs le meilleur avantage comparatif parmi les pays africains candidats pour la construction d’une centrale nucléaire de production d’énergie électrique. Aussi, les nigériens ont aujourd’hui acquis toutes les compétences et expériences nécessaires pour assurer une gestion efficace de l’industrie nucléaire de notre pays. L’agence fédérale russe de l’énergie atomique, Rosatom a signé récemment des mémorandums d’entente pour la construction de centrales nucléaires au Burkina-Faso et au Mali. J’ose espérer que dans le cadre de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), une centrale nucléaire qui prendrait en compte les besoins en électricité des trois (3) pays frères pourrait être construite au Niger, parce que disposant d’un plus grand avantage comparatif. Notons que l’énergie nucléaire est l’une des sources de production d’électricité les moins polluantes au monde et bon marché, ce qui devrait permettre aux pays bénéficiaires de s’industrialiser très rapidement.