Abandonnés dans la poussière

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L’héritage radioactif d’AREVA dans les villes du désert nigérien

 

Le géant AREVA entreprend une nouvelle révolution nucléaire. L’entreprise implantée dans le monde entier dans plus de 100 pays promeut activement l’énergie sur de nouveaux marchés. Ses équipes de relations publiques ont travaillé sans relâche pour convaincre le gouvernements, investisseurs et le grand public – avides d’énergie propre – que l’énergie nucléaire est désormais
aujourd’hui une technologie sûre, propre et écologique.
Cette conception erronée du nucléaire est la cause d’effets dévastateurs qui se font déjà ressentir  tout particulièrement au Niger.
Produire de l’énergie nucléaire nécessite un combustible acquis au prix d’une activité destructrice:
l’exploitation minière d’uranium. Celle-ci peut avoir des conséquences catastrophiques sur les populations voisines et sur l’environnement pendant des siècles. Pays d’Afrique de l’Ouest, le Niger a l’indice de développement humain le plus faible du monde.
Aux problèmes que posent le désert aride, la rareté des terres arables et un niveau de pauvreté extrême s’ajoutent le chômage, un faible niveau d’éducation, l’analphabétisme, le manque d’infrastructures efficaces et l’instabilité politique. Le Niger pourtant dispose de ressources minières importantes, à commencer par l’uranium.
AREVA a débuté ses activités d’extraction minière au Nord du Niger il y a quarante ans, créant ainsi les conditions de ce qui aurait dû être un sauvetage économique pour un pays en crise. Cependant, les exploitations d’AREVA sont en grande partie destructrices : le forage des mines et les détonations provoquent des nuages de poussière, des montagnes de boue et de déchets industriels – à ciel ouvert- se forment autour des mines et le déplacement de millions de tonnes de terre et de rochers menacent de contaminer la nappe phréatique qui disparaît rapidement
à cause de la surexploitation industrielle.
AREVA a fait preuve de négligence dans sa gestion du processus d’extraction. Et cela se traduit par la libération et la propagation dans l’air de substances
radioactives qui s’infiltrent dans la nappe phréatique et
contaminent les sols autour des villes minières d’Arlit et
d’Akokan.
L’exposition à la radioactivité endommage l’écosystème
de manière définitive et peut également causer
des problèmes de santé : maladies respiratoires,
malformations à la naissance, leucémies, cancers, pour
ne citer que quelques exemples. Les maladies et les
problèmes de santé sont nombreux dans cette région
et le taux de mortalité lié à des problèmes respiratoires
y est deux fois plus élevé que dans le reste du pays3.
Néanmoins, en matière d’impact sur la santé AREVA n’a
jamais assumé ses responsabilités. En fait, les hôpitaux
sous le contrôle de cette entreprise ont été accusés
d’avoir commis des erreurs en diagnostiquant des cas
de VIH pour des cancers4. Ils soutiennent qu’il n’y a
jamais eu de cas de cancers imputables aux activités
minières en 40 ans5. Ce qu’ils ne mentionnent pas, c’est
que les hôpitaux locaux n’emploient pas de médecins
formés à la médecine du travail, rendant impossible un
diagnostic qui permettrait d’établir un lien avéré entre la
maladie du patient et son activité professionnelle.
L’agence gouvernementale en place qui doit surveiller
ou contrôler les actions d’AREVA manque d’effectif et
de moyens financiers6. Depuis des années, des ONG
et des agences internationales tentent de tester et
d’évaluer les niveaux de radiation auxquels le Niger est
exposé. Aucune évaluation exhaustive et indépendante
des impacts de l’extraction minière d’uranium n’a
encore été menée.

En novembre 2009, Greenpeace, en collaboration
avec le laboratoire français indépendant de la CRIIRAD
ainsi que le réseau nigérien d’ONG ROTAB a pu
effectuer une brève étude scientifique de la zone et
mesurer le taux de radioactivité contenue dans l’eau,
l’air et la terre autour des villes minières d’AREVA. Si
les résultats ne sont pas exhaustifs, ils n’en sont pas
moins inquiétants :
• En quarante ans d’activité, c’est un total de
270 milliards de litres d’eau qui ont été utilisés,
contaminant l’eau et vidant les réserves d’eau dans
l’aquifère qui ne seront pas reconstituées avant des
millions d’années.
• Sur quatre des cinq échantillons d’eau prélevés par
Greenpeace dans la région d’Arlit, la concentration
en uranium était supérieure à la limite recommandée
par l’OMS pour l’eau potable. Les données
historiques indiquent une augmentation progressive
de concentration en uranium pendant les vingt
dernières années, ce qui peut démontrer l’impact
des opérations minières. Certains échantillons d’eau
contenaient même un gaz radioactif dissous, le
radon.
• La mesure de radon effectuée au poste de police
d’Akokan a révélé une concentration en radon dans
l’air qui était de trois à sept fois supérieure aux
niveaux normaux de cette région.
• Dans les sols, la fraction fine a révélé une
concentration en éléments radioactifs (uranium et
ses descendants) deux à trois fois supérieure à la
fraction grossière. Ceci suggère des risques plus
importants d’inhalation ou d’ingestion de particules
radioactives.
• La concentration en uranium et autres matériaux
radioactifs trouvés dans un échantillon de sol prélevé
à proximité de la mine souterraine était environ cent
fois supérieure aux niveaux normaux de la région et
supérieure aux limites internationales d’exemption.
• Dans les rues d’ Akokan, les taux de radiation
étaient d’un niveau environ 500 fois supérieur aux
niveaux normaux de fond. Une personne y passant
moins d’une heure par jour serait exposée à un taux
supérieur au taux annuel supportable.
• Si AREVA prétend qu’aucun matériau contaminé ne
sort plus des mines, Greenpeace a néanmoins trouvé
plusieurs morceaux de ferraille radioactive, sur le
marché local à Arlit, contenant des taux de radiation

d’un niveau cinquante fois supérieur aux niveaux
normaux de fond. Or la population locale utilise ces
matériaux (dans la construction de ses habitations par
exemple).
Après la publication des premiers résultats de
Greenpeace à la fin du mois de novembre 2009,
AREVA devait réagir. Certains endroits radioactifs
indiqués par Greenpeace dans un des villages miniers
ont été nettoyés. Cependant, ce nettoyage limité ne
réduit pas le besoin d’effectuer une étude exhaustive
pour que toutes les zones soient sans danger pour la
population locale.
Greenpeace demande à ce qu’une étude indépendante
soit effectuée autour des mines et des villes
d’Arlit et d’Akokan, suivie d’un nettoyage et d’une
décontamination complets. Il est impératif d’instaurer
des contrôles pour s’assurer qu’AREVA respecte les
normes internationales en matière de sécurité dans
ses activités, et prend en compte le bien-être de ses
employés, les populations vivant aux alentours ainsi que
l’environnement. AREVA doit commencer à agir comme
l’entreprise responsable qu’elle prétend être. Elle doit
informer ses employés ainsi que la population locale
des risques encourus par la proximité et le travail autour
des mines d’uranium. En effet, nombreux sont ceux qui
n’ont jamais entendu parler de radioactivité au Niger et
ne comprennent pas le danger représenté par les mines
d’uranium.
Chaque jour, les Nigériens sont exposés aux radiations,
à la maladie et à la pauvreté alors qu’AREVA engrange
des milliards grâce aux ressources naturelles du Niger.
La population nigérienne mérite de vivre dans un
milieu sûr, propre et sain et de partager les bénéfices
provenant de l’exploitation de ses terres.
AREVA et sa tentative de créer une renaissance
nucléaire n’amène à ces populations locales que le pire,
à savoir une menace de perdre les éléments de base de
la vie en empoisonnant leur air, leur eau et leur terre.
Ce rapport montre que l’énergie nucléaire joue à la
roulette russe avec nos vies, notre santé et notre
environnement et ce, dès le début du cycle nucléaire:
dès l’extraction minière d’uranium. L’énergie nucléaire
dangereuse et sale n’a aucune place dans notre avenir
d’énergie durable. Greenpeace appelle à une révolution
énergétique, fondée sur des énergies durables, bon
marché et sûres.

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