INTERVIEW AVEC LE MINISTRE DES MINES DU NIGER, Monsieur ABARCHI OUSMANE.

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Source: éclosion

« Plus qu’une promesse, il s’agit d’un véritable engagement du Chef de l’État à mettre fin au pillage de nos ressources minières par les puissances étrangères. Désormais, l’exploitation de nos ressources donnera la priorité aux entreprises nationales. »

Le Colonel ABARCHI Ousmane, 53 ans, Membre du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) est ministre des Mines de la République du Niger depuis le 19 février 2024. Cet officier supérieur a intégré les Forces armées nigériennes (Fan) le 1er juillet 1996. De Sous-lieutenant en 1999, il a porté le grade de Colonel le 1er octobre 2021. Après son baccalauréat série D, obtenu en 1991, Abarchi Ousmane a étudié 6 ans à faculté des sciences économiques et juridiques de l’université Abdou Moumouni de Niamey. Sur le plan militaire, il a suivi, de 1993 à juillet 2013, 7 formations entre le Mali, le Maroc et la France. Le ministre des Mines a également occupé plusieurs fonctions dans la hiérarchie militaire au plan national et international notamment dans des missions de l’Onu. D’instructeur au Groupement d’Instruction des FAN de Tondibiah en 2000, il a occupé 15 postes de responsabilité avant d’être Directeur central adjoint de l’Intendance militaire des FAN jusqu’en novembre 2022. A son actif, pas moins de 6 Médailles aussi bien des Nations-Unies que du Niger, son pays, qui lui en a décerné 4 dont celle d’Officier de l’Ordre National du Niger, le 03 août 2022. C’est donc à un homme de terrain que le Général Abdourahamane Tiani a confié les terrains miniers du Niger. Courtois, humble et disponible, le Colonel ABARCHI Ousmane a accepté de répondre à nos questions sans tabous et dans une grande cordialité. 

L’Éclosion : Monsieur le ministre, bonsoir et merci de vous prêter à nos questions pour informer l’opinion publique le secteur minier dont vous avez la charge depuis 5 mois maintenant. Alors, depuis 1971, le Niger est producteur d’uranium. Au début de la décennie 2000, il a commencé l’exploitation industrielle de l’or. Pourtant, le pays demeure parmi les plus pauvres du monde.

  1. Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

Le Ministre Colonel Abarchi : Je vous remercie de l’opportunité que vous nous offrez de nous exprimer pour la première fois à travers la presse écrite privée. C’est un honneur et une grande fierté de le faire dans les colonnes de votre journal.

Il vous souviendra que c’est suite au décret portant réaménagement du gouvernement en date du 19 février 2024 que le Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, Chef de l’État, SE le Général de Brigade Abdourahmane Tiani nous a confié la charge du Ministère des Mines.  Ceci, en vue de faire prendre à ce secteur toute son importance pour l’atteinte des objectifs que le CNSP s’est fixé qui sont entre autres :

  • La réaffirmation de notre souveraineté sur nos ressources minières ;
  • Une meilleure contribution du secteur minier aux ressources de L’État ;
  • La création d’emplois pour nos jeunes ;
  • Une meilleure contribution au développement local ;
  • Et un moindre impact sur l’environnement.

Au Niger, l’exploitation minière peut se caractériser comme suit :

  • Une très faible connaissance du potentiel minier du pays avec 18% de couverture géologique, 20% de couverture géophysique et 8% de couverture géochimique ;
  • Une production minière très peu diversifiée et dominée par la production d’uranate aux fins d’exportations ;
  • Une faible industrialisation du secteur (le Niger n’a jamais dépassé cinq Mines industrielles en activité : SOMAIR en 1971, COMINAK en 1978 ; SONICHAR en 1978, SML en 2004, SOMINA en 2011) ;
  • Une très faible transformation des produits miniers.

Ce qu’il faut également noter, c’est que l’exploitation minière au Niger était plutôt extravertie, donc destinée aux besoins étrangers et pour les intérêts étrangers. Elle s’est faite sur la base d’accords léonins qui ne préservaient nullement les intérêts de l’État de Niger et de nos populations.

  • Est-ce que les différentes conventions signées avec les multinationales ont été bénéfiques pour le Niger ?

De manière générale, les conventions minières signées avec les multinationales couvrent la recherche et l’exploitation. Elles n’ont pas préservé les intérêts de notre pays et de nos populations. La preuve est qu’après toutes ces années de recherche et d’exploitation minières, nous en sommes à un très faible taux de connaissance des ressources de notre sous-sol. Plus grave encore, le développement local n’a jamais été le souci de ces multinationales. La contribution du secteur à l’économie nationale reste marginale. Enfin, l’environnement est gravement impacté par les conséquences négatives de l’activité minière dans les régions où elle est pratiquée.

  • Depuis le 26 juillet, le CNSP et le Gouvernement ont annoncé que les ressources minières seront utilisées pour le bien-être du peuple nigérien tout entier, comment se traduit dans les faits cette promesse du Chef de l’État, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani ?

Plus qu’une promesse, il s’agit d’un véritable engagement du Chef de l’État à mettre fin au pillage de nos ressources minières par les puissances étrangères. Désormais, l’exploitation de nos ressources donnera la priorité aux entreprises nationales. A défaut, l’État veillera à ce que les entreprises étrangères qui seront autorisées à exploiter nos ressources respectent nos Lois en matière d’emploi, de transfert de compétence, de contenu local, de développement local et de protection de l’environnement. Il s’agit également de mettre en place une gestion transparente des revenus issus de l’exploitation des ressources minières.

D’ores et déjà, le Ministère des Mines s’est approprié cette vision du Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, Chef de l’État. A cet effet, la Loi minière est en révision ainsi que le cadre règlementaire. Également la présence de l’État est de plus en plus affirmée dans le secteur pour le recouvrement effectif des montants dus à l’État.

  • On a suivi le retrait des permis d’exploitation de l’uranium d’Imouraren à Orano et de Madaouela à Goviex. Comment en est-on arrivé là ? et pourquoi ?

Ce qu’il faut noter à ce niveau, c’est que le permis d’exploitation d’Imouraren n’est pas attribué à la société Orano mais à la société Imouraren.SA avec comme actionnaires Orano et la SOPAMIN. Il en est de même pour le permis d’exploitation de Madaouela 1 qui n’a pas été attribué à Goviex, mais à la COMIMA avec pour actionnaires Goviex et la SOPAMIN.

Donc, ces permis ont été attribués à des sociétés dans lesquelles la SOPAMIN qui est une société appartenant à 100% à l’État du Niger est actionnaire à 33,35% pour Imouraren.SA et 20% pour COMIMA. Par conséquent, l’État du Niger a autant intérêt que les autres actionnaires dans l’exploitation de ces gisements.

Néanmoins, quand il est question de l’application de nos lois, l’État ne doit pas être laxiste. En effet, les activités minières sont régies par une règlementation. Ces textes définissent notamment les droits et obligations des détenteurs des titres d’exploitation. Les retraits de ces permis d’exploitation sont faits dans le strict respect de la législation minière en vigueur dans notre Pays.

  • Dans des Communiqués de presse, ces multinationales disent se réserver le droit de saisir les juridictions, est-ce que le Niger s’est entouré de toutes les précautions juridiques pour éviter de perdre d’éventuels procès qui coûteraient très chers au trésor public et à l’image du pays ?

Nous ne pouvons pas commenter la communication d’une entreprise. Ces entreprises ont plusieurs partenaires envers lesquels elles doivent communiquer. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que notre pays n’a rien à se reprocher encore moins à craindre par rapport au retrait de ces permis et au retour au domaine public des périmètres y afférents. Ces périmètres font partie intégrante de notre territoire, ils ont été attribués pour exploitation à des entreprises dont l’État du Niger est actionnaire à travers la SOPAMIN conformément à notre loi minière et c’est en application de cette même loi nationale que ces permis ont été retirés à ces sociétés. Ce que risque de perdre le Niger, c’est certainement les apports de la SOPAMIN dans ces sociétés car elles seront sûrement liquidées suite à la perte de l’objet même de leurs créations qui est l’exploitation de ces gisements d’uranium.

  • SONIDEP est devenue opératrice dans l’amont pétrolier, peut-on envisager la même chose avec la SOPAMIN quand on sait surtout que l’expertise nigérienne est avérée dans l’exploitation de l’uranium. Actuellement, aucun ingénieur expatrié ne travaille à la SOMAIR qui continue à produire normalement ?

C’est une option qui est bel et bien envisageable. L’État peut décider d’exploiter ses ressources minérales à travers la SOPAMIN ou toute autre société qu’il aura à créer. Et cela s’inscrit dans la vision globale du CNSP d’appropriation de nos ressources naturelles au bénéfice de nos populations.

  • Quel avenir pour le secteur minier nigérien en général, et celui de l’uranium en particulier ?

Je peux sans risque de me tromper vous promettre un avenir radieux pour le secteur minier en général et l’uranium en particulier dans notre pays. Le potentiel est énorme. Depuis les évènements du 26 juillet 2023, il y a une réelle prise conscience de l’importance stratégique de certaines substances dont regorge notre pays et de la nécessité de les exploiter dans l’intérêt du pays. Également avec la recherche des sources d’énergies moins polluantes, l’Energie nucléaire a des beaux jours devant elle. Par conséquent, l’uranium naturel sera encore plus convoité. Et pour preuve, les prix de ce produit sont au plus haut aujourd’hui et continueront leur ascension très certainement.

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